Pesticides dans des vins du Bordelais certifiés HVE : une association condamnée pour dénigrement collectif

25 février 2021 à 13h50 par Iris Mazzacurati

WIT FM
Le HVE est une norme française créée en 2012 par le ministère de l'Agriculture, qui encourage et rec
Crédit : Pixabay - photo d'illustration

Une association qui dénonçait la présence, dans des vins certifiés Haute valeur environnementale (HVE), de résidus de pesticide, en quantité toutefois basses et conformes, a été condamnée, jeudi 25 février, à 125 000 euros de dommages et intérêts par le tribunal judiciaire de Libourne.

Le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) - associé à 25 châteaux, viticulteurs, syndicats d'appellations, négociants - poursuivait au civil pour "dénigrement collectif" Valérie Murat, porte-parole de l'association Alerte aux Toxiques, qui lutte en Gironde contre les phytosanitaires en viticulture.

L'interprofession des vins de Bordeaux, qui à l'audience avait argué un "discrédit très lourd aux vins de Bordeaux", a obtenu 100 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice collectif et le retrait de la publication contestée, et les autres plaignants 25 000 euros.

Mme Murat qui a annoncé sur Twitter son intention de faire appel, a indiqué à l'AFP que le tribunal "avait donné raison à l'omerta, à ce qu'il se fait de pire dans la viticulture" et s'est érigée contre cette amende "colossale".



Son avocat Me Eric Morain a estimé que le tribunal ordonnait "l'exécution sociale" de sa cliente par cette décision "éminemment contestable et orientée". "Jamais une procédure bâillon n'aura aussi bien porté son nom", a-t-il ajouté, dans un message écrit.

En septembre, Alerte aux Toxiques avait dénoncé la présence de résidus de pesticides de synthèse dans 22 vins (dont 19 Bordeaux) certifiés HVE, sur la base d'une étude financée par financement participatif.


Cette présence était toutefois faible et légale, selon le laboratoire lui-même, qui avait pris ses distances d'avec la présentation par l'association de ses résultats.

A l'audience, Mme Murat avait évoqué une viticulture HVE "encore gourmande en pesticides" et un "label (HVE) trompeur pour le consommateur", qui "permet à des gens qui voudraient faire croire qu'ils ont pris un virage écologique, qu'ils changent leurs pratiques, de continuer en fait à utiliser des pesticides de synthèse parmi les plus dangereux".

Le CIVB avait de son côté stigmatisé "une escroquerie intellectuelle", soulignant que les vins mis en cause étaient "en parfaite légalité". Son avocate Me Eve Duminy avait pointé un "dénigrement qualifié".

Le HVE est une norme française créée en 2012 par le ministère de l'Agriculture, qui encourage et reconnait les efforts des exploitations agricoles pour réduire les pesticides et engrais chimiques, augmenter la biodiversité, gérer l'eau, mais n'interdit pas l'absence de pesticides de synthèse. Il est souvent associé par ses détracteurs à un label de "greenwashing".

Mme Murat est la fille d'un vigneron décédé en 2012 d'un cancer reconnu comme maladie professionnelle. Il avait été exposé pendant plus de 40 ans, à un produit utilisé dans les traitements contre une maladie de la vigne, et interdit en France depuis 2001. Une procédure au pénal est en cours.



(Avec AFP)