Bordeaux : les urgences de Pellegrin sont saturées, les patients reçus dans une tente
3 février 2022 à 10h45 par Clara Echarri
Une tente de "médecine de catastrophe" a été montée à l'extérieur des urgences du CHU de Pellegrin, à Bordeaux. Le collectif urgences Bordeaux dénonce une situation intenable depuis plusieurs mois.
"On a juste rendu visible ce qui se passe depuis des mois dans les couloirs des urgences". Voilà le constat d'une urgentiste du CHU de Pellegrin, à Bordeaux. Selon elle, selon le collectif Urgences Bordeaux et le syndicat Sud Santé, les urgences sont saturées depuis plusieurs mois. Et ne leur dites surtout pas que c'est le Covid qui est a blâmer : "un système qui fonctionne est normalement capable d'absorber l'afflux dû au Covid. Le problème est bien plus ancien, et ça a vraiment empiré cet été".
Des conséquences dramatiques
Le constat que font les urgentistes du collectif est glaçant : "Il y a des gens qui attendent des heures dans les couloirs sans prise en charge. Au point que des gens ont des séquelles à vie de leur prise en charge et qu'il y a eu des morts. Il y a eu plusieurs morts aux urgences Pellegrin qui n'auraient jamais du mourir. Des arrêts cardiaques dont on ne s'est pas rendus compte parce qu'on ne peut pas prendre en charge tout le monde correctement"
"Ce qui fait qu'on a autant de patient en attente sans prise en charge adaptée, c'est qu'on n'a plus de lit d'hospitalisation. Et quand je dis plus de lits, c'est plus de lit du tout" insiste cette urgentiste. "Les locaux de Pellegrin sont fait pour accueillir 75 à 80 passages jour. Là on est depuis des mois à 200 passages jour. Parfois, les fauteuils roulants ne peuvent pas passer dans les couloirs tellement il y a de brancards".
Selon cette urgentiste, 600 lits sont fermés à Pellegrin par manque de personnel pour s'en occuper. Les patients sont parfois bloqués aux urgences faute de place dans les autres services. Et bloquent eux-même la place pour les nouveaux arrivants aux urgences. De plus, le CHU de Pellegrin est le point de chute pour beaucoup de type de prise en charge en Nouvelle-Aquitaine. "Il y a des choses qu'on ne traite qu'à Pellegrin, donc on reçoit des patients de partout".
Des soignants à bout
La tente, ce sont des soignants qui l'ont réclamée à la direction, à défaut de mieux. "On a officialisé le fait que depuis des mois on fait de la médecine de catastrophe aux urgences de Pellegrin". Cette urgentiste raconte le mal-être des soignants, qui savent qu'ils vont être "maltraitants", qu'ils ne vont pas pouvoir s'occuper de tout le monde correctement. "On rentre chez nous la boule au ventre. Certains sont en burnout, certains ont fait des tentatives de suicide. Et un urgentiste qui fait une tentative, il se rate rarement" conclut-elle.
Beaucoup ont aussi décidé de quitter l'hôpital public avant de craquer. "Les conditions ne sont pas du tout attractives pour recruter plus de personnel. Si l'on s'en va, on va retrouver du travail tout de suite sans problème. Mais on se bat pour les patients, parce qu'on croit au fait de soigner tout le monde, peu importe sa situation. Alors on reste, mais on n'en peut plus".
Il faudrait donc plus de lits, et plus de personnel. "On va avoir des travaux à Pellegrin dans les prochains mois. On ne pourra plus accueillir que 120 passages par jour, alors que là à 200 on déborde. Hier (lundi), il y avait 40 personnes qui attendaient dehors". La tente installée à l'extérieur est normalement utilisée pour les attentats, les catastrophes naturelles...
Chaque vendredi à 14 heures, une minute de silence est organisée devant le CHU de Pellegrin, mais aussi à Haut-Lévèque ou à St André. Une minute "pour la mort de l'hôpital public". Les urgentistes invitent tous ceux qui le souhaitent à les rejoindre.